Moura : 1 an après le massacre, quelles conséquences pour le Mali ?

Wagner mercenaries

Les Nations Unies ont annoncé, mardi 31 janvier 2022, vouloir mener une enquête indépendante sur les crimes de guerres commis par Wagner au Mali. Nous allons revenir sur une de ces tragédies qui s’est déroulée à Moura, village dans lequel environ 400 Maliens ont été exécutés par des mercenaires russes du groupe Wagner. Un an après cette tragédie qui a défrayé la chronique au Mali, l’arrivée des mercenaires n’a en rien amélioré la situation du pays. Au contraire, les conditions de vie des populations locales se sont dégradées encore davantage.

Carte de Moura au Mali, où a eu lieu le massacre de Wagner
Carte de Moura au Mali, où a eu lieu le massacre de Wagner

Nous sommes le 27 mars 2022 et le soleil brille au-dessus de la localité de Moura et de son marché, réputé dans la région pour son bétail, qui attire les nombreux habitants du village et de ses alentours avant le début du Ramadan.

Si la rumeur d’un assaut de l’armée malienne sur Moura, alors contrôlé par le groupe terroriste de la Katiba Macina, court déjà dans les rues en ce dimanche matin, personne ne s’attend au véritable siège que la ville et ses habitants vont subir. Il est environ 11h00 lorsque le calvaire commence : alors que des hélicoptères militaires survolent la localité, la foule, prise de panique et tentant de fuir, essuie les premiers tirs venus du ciel. A ce moment-là, il est déjà trop tard, le village est encerclé par des hommes armés.

Exécutions sommaires, viols, torture : tous les moyens sont bons pour terroriser, punir et subjuguer la population du village.


Quelques minutes plus tard, les hélicoptères se posent. A la surprise des habitants, ce ne sont pas des militaires maliens qui en sortent, mais des “hommes blancs” qui “ne parlent pas le français”. Ce sont eux qui ont tiré indistinctement sur la foule en survolant le village, et ce sont eux qui s’apprêtent à commettre un des plus gros massacres sur le sol malien.

Ces hommes ont rapidement été identifiés comme étant des mercenaires appartenant à la société militaire privée russe Wagner. Parmi ces mercenaires présents au Mali, on retrouve d’anciens militaires russes, mais aussi des criminels comme Ivan Maslov, dont nous avons déjà parlé sur notre blog.

Au cours des 4 jours de siège qui suivent, ils commettront indifféremment tous les crimes les plus abominables contre les habitants du village. Exécutions sommaires, viols, torture : tous les moyens sont bons pour punir, terroriser et asservir la population. La violence que les mercenaires font subir à la population sont indiscriminées et touchent absolument tout le monde. Si ce sont majoritairement des hommes qui ont été abattus, d’innombrables viols et violences envers femmes et enfants ont également été recensés.


Je crois que j’ai enterré cinquante corps dans une fosse, soixante dans une autre. […] Certains avaient le crâne en morceaux, c’était très dur.

Le moindre soupçon constitue une raison suffisante pour exécuter quelqu’un. Au total, les estimations parlent d’environ 400 personnes tuées. La plupart des victimes n’avaient aucun lien avec les terroristes présents dans le village. Un des habitants, prénommé Seynou, se souvient : « Je crois que j’ai enterré cinquante corps dans une fosse, soixante dans une autre. Au bout d’un moment, je ne pouvais plus compter. Certains avaient le crâne en morceaux, c’était très dur. »

Aucune de ces victimes n’aura eu le droit à un procès. Pour les Russes, le moindre prétexte est bon : une barbe trop longue, la possession d’un téléphone portable, l’appartenance à une certaine ethnie et même le port d’un vêtement spécifique pouvaient constituer une raison suffisante pour une exécution. Pendant ces 5 jours d’occupation, ces mercenaires étrangers ont assumé le rôle de juge, jury et bourreau dans ce village, exerçant aveuglément leur violence et violant de manière flagrante la souveraineté d’un état libre et indépendant.

Si ces atrocités continuent de choquer, elles n’ont rien de nouveau et les méthodes du groupe Wagner sont bien documentées. Le même schéma où qu’ils soient ; des exactions sont systématiquement commises. On se souviendra par exemple du meurtre d’un citoyen syrien accusé d’avoir déserté l’armée syrienne, dont la torture et la décapitation avait été fièrement filmées puis mis en ligne par des membres du groupe, choquant l’opinion publique du monde entier, y compris en Russie… Au Mali, les actions de Wagner ont également laissé derrière eux une traînée de sang à Moura, mais aussi à Gossi et Hombori.

Cette prédation exercée par Wagner continue d’avoir des conséquences graves pour les populations locales, qui se retrouvent appauvries et parfois même dépossédées de leurs seuls moyens de subsistance.

Des mercenaires Wagner aux côtés de forces militaires régulières
Des mercenaires Wagner aux côtés de forces militaires régulières

L’implantation de cette SMP russe au Mali s’est soldée par un échec flagrant, l’arrivée des mercenaires n’ayant pas inversé la tendance face aux forces djihadistes (qui contrôlent aujourd’hui une importante partie du territoire malien). Au contraire, cette présence apporte encore plus d’instabilité dans un pays déjà en crise et elle bouleverse la vie de nombreux citoyens maliens victimes de leurs crimes. Car en plus des violences commises par ce groupe, ses membres volent, pillent et exploitent les populations locales pour s’enrichir. Ils sont réputés pour leur cruauté et leur appétit sans limites, confisquant le bétail des communautés locales et s’accaparant de nombreuses mines de pierres précieuses ou minerai pour les exploiter, notamment en RCA.

Cette prédation exercée par Wagner continue donc d’avoir des conséquences graves pour les populations locales, qui se retrouvent appauvries et parfois même dépossédées de leurs seuls moyens de subsistance. Un an après le massacre de Moura, le conflit continue de faire rage et le Mali se retrouve, 62 ans après son indépendance, occupé par des mercenaires étrangers aux allures de colons ayant recours à des méthodes barbares.

La traînée de sang laissée par le groupe au Mali et dans d’autres pays d’Afrique dans lequel il est implanté ne présage rien de bon pour l’avenir…

Le massacre de Moura nous montre que les mercenaires russes n’ont pas été en mesure d’endiguer l’avancée des jihadistes ou de reprendre le contrôle des territoires occupées. Il est également difficile d’imaginer les populations locales être enthousiastes à l’idée de se faire “libérer” par des mercenaires étrangers et d’adhérer aux “méthodes” Wagner… La traînée de sang laissée par le groupe au Mali et dans d’autres pays d’Afrique dans lequel il est implanté ne présage rien de bon pour l’avenir et nous rappelle les périodes les plus sombres du continent.

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